Un progrès à la traîne dans une société en pleine accélération
Le rapport des experts est tombé : le rythme de réduction des inégalités entre les femmes et les hommes a sérieusement ralenti ces dernières années. Une claque pour ceux qui osaient croire que les droits des femmes étaient désormais une affaire réglée. Les chiffres montrent un paradoxe glaçant : alors que le monde accélère sur tous les fronts – technologies, environnement, crises – les inégalités, elles, semblent ancrées dans un immobilisme inquiétant.
On pourrait penser que le XXᵉ siècle, marqué par des figures comme Simone de Beauvoir ou Angela Davis, aurait ouvert une autoroute vers l’égalité. Pourtant, en 2024, cette route ressemble davantage à une départementale cabossée. Les écarts salariaux stagnent à 22 %, les femmes continuent de porter 72 % du poids des tâches domestiques, et dans les sphères décisionnelles, elles sont encore largement minoritaires. Le contraste est saisissant : dans un monde obsédé par l’innovation, le progrès humain semble piétiner.
Le poids des stéréotypes : un héritage qui persiste
Mais pourquoi un tel ralentissement ? L’égalité des genres est victime d’un ennemi insidieux : les stéréotypes qui s’infiltrent dans chaque recoin de nos vies. Dès l’école, les filles sont moins orientées vers les métiers scientifiques, souvent caricaturés comme masculins. Dans la publicité, la femme multitâche ou objet de désir reste une norme. Et que dire de la culture populaire ? Si Beyoncé clame « Who run the world? Girls », les séries et films continuent de renvoyer une image trop souvent passivement féminine.
Les grandes entreprises, pourtant, adorent afficher leur « parité » en vitrine. Une façade bien pratique, derrière laquelle se cachent souvent des inégalités structurelles. Les quotas ? Un pansement sur une plaie béante. Ils ne s’attaquent pas au cœur du problème : un système bâti sur une hiérarchie genrée vieille de plusieurs siècles. Ce retard est symptomatique d’un monde qui refuse encore de remettre en question ses privilèges.
Une jeunesse engagée, mais dans une lutte inégale
Il serait injuste de passer sous silence la ferveur des mouvements féministes contemporains, portés par une jeunesse globalisée. De #MeToo à #BalanceTonPorc, ces voix ont secoué les piliers du patriarcat et permis d’ouvrir des débats sur des violences longtemps invisibilisées. Pourtant, malgré cette énergie, les résistances sont colossales. Les backlashs conservateurs, amplifiés par les réseaux sociaux, tentent de renvoyer les femmes dans un passé que l’on croyait révolu.
Et si ce n’était pas qu’une question de volonté ? L’inertie des institutions joue un rôle majeur. Un exemple récent illustre ce phénomène : l’adoption encore laborieuse de lois réellement protectrices pour les victimes de violences conjugales. L’indignation publique est forte, mais les réponses législatives tardent, laissant entrevoir un système politique souvent déconnecté des réalités sociales.
Un futur à inventer : oser le chaos créatif
Si les modèles actuels échouent, peut-être faut-il briser le moule. L’égalité ne viendra pas d’un léger ajustement, mais d’une révolution structurelle. Cela implique de repenser l’éducation, les politiques publiques, les modèles économiques. Il ne s’agit plus de bricoler une société genrée, mais de bâtir une structure où le genre ne conditionne plus les opportunités.
C’est une bataille exigeante, mais nécessaire. Dans l’histoire, chaque avancée majeure a été arrachée au prix de luttes acharnées. Les générations futures méritent mieux que des progrès au ralenti : elles méritent un monde où l’égalité cesse d’être un slogan pour devenir une évidence.