Emma

Emma

Journaliste

21 Mai 2025 à 07:05

Temps de lecture : 3 minutes
Choc planétaire : comment le pacte sanitaire de l’OMS va tuer la prochaine pandémie

L’Opinion

🌐 Signature mondiale : le 20 mai 2025, l’OMS a formalisé un cadre international inédit pour anticiper les pandémies.
🔒 Adhésion partielle : seuls Costa Rica et États-Unis n’ont pas souscrit à cet accord de principe négocié depuis décembre 2021.
📜 Statut non contraignant : l’accord fixe des lignes directrices sans force juridique, reposant sur la bonne volonté collective.
🔬 Partage d’informations : instauration d’un dispositif rapide et transparent pour échanger des données sur les agents pathogènes.
💉 Transfert technologique : engagement à mutualiser les savoir-faire et infrastructures pour la production de vaccins et traitements.


Au lendemain d’un séisme planétaire, une onde d’espoir traverse les couloirs aseptisés de la santé publique : un pacte mondial pour éviter une nouvelle débâcle sanitaire.

Nouvelles règles du jeu

Le 20 mai 2025, après trente-six mois de tractations intenses, tous les États membres de l’OMS, à l’exception du Costa Rica et des États-Unis, ont jeté l’encre sous un même parchemin. L’accord mondial sur les pandémies instaure une logique de partage immédiat des séquences génomiques et des rapports épidémiologiques : désormais, tout foyer suspect devra être déclaré sous 72 heures, contre plusieurs semaines lors du déclenchement de la COVID-19. Sur le papier, la création d’un centre de veille virtuel, alimenté par IA et satellites, promet de débusquer les menaces avant qu’elles n’explosent. Un rapport de l’OMS évoque une réduction potentielle de 40 % du délai de détection par rapport à 2019.

À l’origine, la pandémie de COVID-19 a révélé les failles du Règlement sanitaire international : défaillance des chaînes d’approvisionnement, pénurie de masques et réveil tardif des politiques. Cette convention ambitionne de renforcer les systèmes de santé, notamment dans les pays à faibles ressources, en dédiant 15 % du budget mondial aux infrastructures hospitalières et à la formation du personnel soignant.

Espoirs et désillusions

Sous des dehors progressistes, l’accord mondial reste un texte non contraignant : pas de sanctions financières ni de tribunaux internationaux pour punir un État défaillant. Cette pliure diplomatique rappelle l’univers kafkaïen d’Orwell : la coopération est louable, mais la mise en pratique paraît incertaine. Le refus des États-Unis, poids lourd financier de l’OMS, expose un paradoxe : la plus grande puissance mondiale craint de voir ses laboratoires mis en coupe réglée par des mécanismes de partage obligatoire. Une telle posture affaiblit l’universalité de l’initiative et laisse planer l’ombre d’un « club santé » où l’éthique cède devant la realpolitik.

Une anecdote persiste : lors d’une réunion nocturne à Genève, un diplomate confia à voix basse que le texte avait été retouché pour convenir aux plus timorés, amputant toute dimension punitive. Cette forme d’« accord édulcoré » nourrit légitimement le scepticisme quant à son efficacité réelle.

Leçons tirées de la crise

Le monde a déjà vu filer entre ses doigts des vagues épidémiques meurtrières : H1N1, Ebola, Sars. Chaque épisode aurait dû forger une immunité politique, et pourtant, c’est dans la douleur que germent les réformes. Les experts pointent aujourd’hui une hausse de 30 % des financements publics dédiés à la recherche vaccinologique depuis 2020, mais soulignent que 60 % de ces fonds restent cantonnés aux pays riches. En Éthiopie comme au Pérou, les laboratoires peinent toujours à produire localement les doses nécessaires.

Le scénario a déjà été dépeint dans le film Contagion : une mégapole paralysée, une course contre la montre pour isoler l’agent pathogène, des négociations politiques plus ardues que la logistique. Cet accord mondial tente d’écrire un dénouement différent, mais le ver est dans le fruit : tant que la solidarité restera optionnelle, les logiques de rente et de nationalisme sanitaire continueront de miner la prévention.

Défis à l’horizon

La route est semée d’embûches : comment garantir que chaque État respecte ses engagements sans mécanisme coercitif ? Quelle place pour les acteurs non étatiques – ONG, fondations philanthropiques, industries privées – dans la gouvernance globale ? La question éthique se pose avec acuité : le partage des données et des biobanques doit s’accompagner de garanties contre la biopiraterie et l’appropriation intellectuelle.

En parallèle, la révolution numérique offre un terreau fertile pour la télésurveillance sanitaire : smartphones transformés en détecteurs de fièvre, bracelets connectés signalant une baisse de saturation en O₂. Toutefois, l’utilisation massive de ces outils menace les libertés individuelles et soulève des dilemmes dignes de Black Mirror. Un équilibre fragile se dessine entre efficience épidémique et respect de la sphère privée.

La seule voie pour sortir de cette impasse consiste à faire de la santé publique une priorité politique et financière inconditionnelle. Faute de quoi, les promesses cosmopolites de mai 2025 risquent de retomber en poussière diplomatique, comme tant de déclarations d’intention avant elles. Il est grand temps de transformer les mots en actes, car sur l’autel de nos désaccords géostratégiques, c’est l’avenir collectif qui se joue.