Emma

Emma

Journaliste

19 Juin 2024 à 09:06

Temps de lecture : 3 minutes
Les récits glaçants des déserteurs russes, traqués par une guerre impitoyable

Les Faits

🪖 Utilisation des détenus par la Russie : la Russie a libéré des dizaines de milliers de détenus pour les utiliser comme chair à canon sur le front ukrainien.
🚨 Pressions et menaces : les prisonniers russes subissent des pressions énormes, incluant des menaces et des agressions sexuelles, pour s'engager dans l'armée.
🛡️ Sécurité des déserteurs en France : les déserteurs russes en France, comme Sacha, continuent de vivre dans la peur des représailles des services de renseignement russes.
👨‍👩‍👦 Répercussions sur les familles : les familles des déserteurs en Russie subissent des intimidations et des représailles, comme le licenciement et les menaces de conscription forcée.
📜 Difficulté d'obtention du statut de réfugié : bien que la France ait assoupli les conditions pour obtenir le statut de réfugié, les déserteurs doivent encore fournir des preuves difficiles à obtenir pour être acceptés.

L’Opinion

Imaginez-vous attablé dans un café ensoleillé, sur la Côte d’Azur, mais avec la tête encore plongée dans les tranchées boueuses et sanglantes du Donbass. C’est la réalité d’Anton*, un Moscovite de 40 ans, qui a fui l’horreur du front ukrainien après avoir été recruté de force depuis sa cellule de prison. Utilisé comme chair à canon par une Russie qui n’a pas hésité à libérer des dizaines de milliers de détenus pour renforcer ses rangs, Anton incarne la tragédie de cette guerre.

Dealer de drogue puis indic pour la police, Anton pensait avoir touché le fond en 2021 avec une condamnation à plusieurs années de prison. Mais ce n’était rien comparé à l’enfer des tranchées. Là-bas, menaces et agressions sexuelles faisaient partie du quotidien, un Guantánamo russe où l’hymne national répété en boucle devenait une torture auditive. Cette utilisation des détenus révèle une cruauté et une désescalade morale dévastatrice. Et que dire des centaines d’autres qui, comme Anton, ont été propulsés dans une guerre qu’ils ne voulaient pas ?

Espions et Répercussions : La Fuite en France

Pour Sacha*, un jeune de 23 ans, fuir la conscription en Russie a été une odyssée digne d’un film d’espionnage. Après avoir été menacé de conscription forcée en 2022, il traverse la Turquie, la Bosnie et atterrit finalement en France. Pourtant, même sur la Côte d’Azur, loin des bombes et des balles, il vit dans la peur constante d’une vengeance russe. Les services de renseignement de Poutine ne sont pas tendres avec les déserteurs, allant jusqu’à les assassiner comme l’ex-pilote Maxim Kouzminov en Espagne.

La sécurité en France est certes meilleure, mais le prix de la liberté est lourd. Sa famille en Russie paie le prix fort : sa mère, licenciée, son père menacé de conscription, son petit frère en ligne de mire pour l’armée. La Russie de Poutine ne tolère pas les déserteurs et les familles deviennent des cibles, victimes collatérales de ce bras de fer infernal.

Des Statuts de Réfugiés Difficiles à Obtenir

Et puis, il y a Vlad*, 53 ans, manifestant contre la guerre dès les premiers jours de l’invasion. Son opposition publique lui a valu six mois de prison, un prix élevé pour la liberté d’expression dans une Russie devenue « maison de fous ».

Pour ces déserteurs, la France est un refuge, mais le chemin vers le statut de réfugié est semé d’embûches. La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a beau avoir assoupli les conditions, les preuves exigées sont souvent hors de portée pour ceux qui fuient précipitamment.

Sylvain Saligari, avocat des droits des réfugiés, souligne cette absurdité : « Quand vous fuyez, vous n’avez pas de documents dans votre valise ». Pourtant, les juges demandent des convocations militaires, des livrets… et moins de la moitié des demandeurs obtient finalement l’asile. Malgré cela, la France a accordé l’asile à 19 déserteurs en 2024, un chiffre dérisoire face aux besoins réels.

Un Engagement Personnel

Ces histoires ne sont pas simplement des faits divers; elles sont le miroir brisé de notre époque. Une époque où des individus doivent choisir entre mourir sur le front ou être traqués pour leur désir de paix. Anton, Sacha, Vlad… ces noms pourraient être ceux de héros modernes, mais ils restent des fugitifs traqués, des âmes en quête de liberté.

L’engagement contre cette guerre criminelle et cette machine de répression russe est un cri d’humanité. Il est impératif de comprendre et de soutenir ceux qui fuient non seulement pour sauver leur vie, mais aussi pour préserver leur intégrité morale.

Dans ce combat, il ne s’agit pas seulement de géopolitique, mais de survie humaine, de dignité et de résistance contre l’oppression. Que ces déserteurs trouvent refuge en France ou ailleurs, leur courage doit être salué et leur lutte, jamais oubliée. Ces hommes et femmes, à leur manière, défient une machine de guerre implacable, et pour cela, ils méritent notre respect, notre soutien, et notre reconnaissance.

*Les prénoms ont été modifiés.