Imaginez-vous marcher le long des quais de Marseille, Le Havre ou Bordeaux. L’odeur salée de la mer, le bruit des grues déplaçant des containers, et soudain, tout s’arrête. Les dockers, en gilets fluo siglés CGT, bloquent les accès, enflamment des pneus, et plantent leurs piquets de grève. C’est la scène chaotique qui se déroule actuellement dans les ports français, où la CGT-Ports et docks relance des grèves à répétition pour s’opposer à une réforme des retraites controversée.
La réforme en question ? Porter de 58 à 60 ans l’âge légal de départ à la retraite des dockers. Une pilule amère pour une profession déjà marquée par la pénibilité de son travail. Cette action de la CGT n’est pas seulement un refus de vieillir au travail, mais une véritable lutte pour la dignité et les promesses non tenues.
La Promesse Ébréchée de Macron
En avril 2022, en pleine campagne présidentielle, Emmanuel Macron se rend au port du Havre et fait une promesse claire aux dockers : la réforme des retraites ne les touchera pas. Mais une fois réélu, cette promesse semble avoir été oubliée. Pour les dockers, cette trahison est un coup de poignard. Ils se sentent utilisés et abandonnés, et leur colère est palpable.
Serge Coutouris, secrétaire général adjoint de la CGT-Ports et docks, ne mâche pas ses mots : « Le gouvernement doutait de notre capacité à mobiliser. Il va voir que tout le monde sera au rendez-vous. » Ces paroles résonnent comme un défi lancé au pouvoir en place, un rappel que les travailleurs ne sont pas des pions sur un échiquier politique.
Compétitivité et Confiance : Le Dilemme des Ports Français
Les répercussions de ces grèves vont bien au-delà des quais. La confiance des importateurs et exportateurs est en jeu. François Daniel, délégué général de TLF Overseas, prévient : « Le risque, c’est qu’on ne veuille plus passer par les ports français. » Et il a raison. Dans un monde globalisé où la rapidité et la fiabilité sont essentielles, les grèves à répétition peuvent être fatales pour la compétitivité des ports français face à des géants comme Rotterdam.
La France a déjà vu sa filière portuaire bousculée par la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et les tensions en mer Rouge. Ajouter à cela des grèves massives, c’est jouer avec le feu. Les entreprises de manutention et le gouvernement doivent trouver un terrain d’entente pour éviter une déroute économique.
Pénibilité et Négociations : Un Combat de Longue Haleine
Les dockers bénéficient d’un régime spécial à cause de la pénibilité de leur travail. Exposés à l’amiante jusqu’en 2004 et avec une espérance de vie réduite, certains peuvent partir à la retraite à 55 ans. Pourtant, les négociations sur la pénibilité avec le ministère des Transports n’ont toujours pas abouti. L’État et les entreprises de manutention refusent de payer un surcoût trop élevé, laissant les dockers dans l’incertitude.
Ce bras de fer rappelle les luttes ouvrières du passé, où chaque gain social a été arraché de haute lutte. Les dockers, comme les mineurs et les sidérurgistes avant eux, défendent leur droit à une retraite décente après des années de labeur éreintant. Le spectre de Zola et de « Germinal » plane sur cette bataille moderne, où les travailleurs se battent pour ne pas être sacrifiés sur l’autel de l’efficacité économique.
Le Chant de Révolte Continue
Je me souviens de mes propres étés passés à travailler sur les docks pour payer mes études. La dureté du travail, le camaraderie parmi les ouvriers, et le sentiment de fierté en fin de journée. Voir aujourd’hui ces mêmes quais devenir le théâtre d’une nouvelle révolte est à la fois poignant et inspirant.
Les dockers français sont les héros d’une lutte intemporelle pour la justice et la reconnaissance. Leur combat est un rappel que la dignité humaine ne peut être mesurée en années de service, mais en respect et en promesses tenues. Alors, que leurs voix résonnent, que leurs feux s’embrasent, car chaque grève est un chant de liberté et de revendication. C’est une lutte pour l’âme même du travail, et je suis solidaire de chaque docker qui se lève pour ses droits.