Un retour attendu et clivant
Yorgos Lanthimos, le cinéaste grec qui nous a offert des œuvres aussi marquantes que « Mise à Mort du Cerf Sacré » et « The Lobster », est de retour avec « Kinds of Kindness », un film à sketches présenté en compétition au Festival de Cannes. Ce nouveau projet, sorti en salle le 26 juin 2024, continue de diviser les spectateurs, entre ceux qui applaudissent sa maîtrise du formalisme et ceux qui sont désenchantés par sa complexité narrative.
Trois histoires, un casting de rêve
Lanthimos ne fait jamais les choses à moitié, et « Kinds of Kindness » ne fait pas exception avec un casting de premier ordre : Emma Stone, Jesse Plemons, Willem Dafoe et Margaret Qualley. Ces acteurs incarnent divers personnages à travers les trois segments du film, chacun apportant une profondeur unique à des récits qui explorent les recoins les plus sombres de l’âme humaine.
La première histoire suit un employé qui tente désespérément de prendre le contrôle de sa vie face à des obstacles incessants. La deuxième nous plonge dans le drame d’un mari retrouvant son épouse disparue en mer, mais qui semble être une personne totalement différente. Enfin, le dernier récit nous présente une femme en quête de vérité dans un groupe religieux, investie du message qu’elle était venue y chercher. Ces histoires, bien que distinctes, sont reliées par un fil conducteur de quête existentielle et de désillusion.
Sophistication et complexité : marque de fabrique de Lanthimos
« Kinds of Kindness » est fidèle à la réputation de Lanthimos : une œuvre complexe, sophistiquée et parfois déroutante. Le film s’est autant fait siffler qu’applaudir à Cannes, une réaction typique pour ce réalisateur qui aime jouer avec les attentes de son public. En utilisant les mêmes acteurs dans des rôles différents et en construisant des récits enchevêtrés, Lanthimos nous perd dans un labyrinthe narratif où chaque tournant est une surprise.
Jean-Luc Godard a dit un jour, « l’important n’est pas de comprendre, mais que cela soit beau ». Cette maxime semble parfaitement adaptée à « Kinds of Kindness ». Le film est visuellement époustouflant, avec des performances remarquables, notamment de Willem Dafoe, qui illumine les trois segments de sa présence magnétique. Cependant, la structure narrative en spirale peut laisser certains spectateurs sur le bord du chemin, cherchant un fil conducteur dans ce chaos artistique.
L’art du gore et de l’anatomie humaine
Lanthimos aime s’attarder sur les détails gores et anatomiques, utilisant les corps abîmés et disloqués comme métaphore des vies déstructurées qu’il dépeint. Chaque histoire de « Kinds of Kindness » plonge un peu plus profondément dans cette descente aux enfers, avec des scènes qui peuvent choquer par leur brutalité et leur réalisme cru. Cette fascination pour l’horreur corporelle sert à illustrer les quêtes désespérées des personnages pour une harmonie qui, une fois atteinte, s’avère souvent ennuyeuse et insatisfaisante.
Le film, d’une durée de 2h44, est une expérience cinématographique intense qui demande au spectateur de s’engager pleinement. Lanthimos reste fidèle à lui-même, livrant une œuvre qui surprend toujours, même si son formalisme peut paraître excessif à certains.
« Kinds of Kindness » est une fable moderne, un triptyque qui explore les limites de la compréhension et de l’acceptation humaine. Ce film n’est pas pour les âmes sensibles ou les esprits impatients, mais pour ceux qui apprécient un cinéma qui défie les conventions et pousse à la réflexion. Lanthimos nous offre une fois de plus une œuvre qui, malgré ses imperfections, reste gravée dans l’esprit longtemps après que les lumières de la salle se soient rallumées.